Clause sociale d’insertion par l’activité économique
L’insertion par l’activité économique (IAE) est un dispositif du droit du travail, visant à faciliter l’intégration professionnelle de personnes éloignées du marché de l’emploi en raison de difficultés sociales et professionnelles.
Ce mécanisme, défini par le Code du travail, s’accompagne de diverses dispositions et pratiques, dont l’intégration de clauses sociales dans les marchés publics, permettant ainsi de promouvoir l’insertion au sein des contrats publics.
Il est intéressant de parcourir les fondements juridiques de l’IAE, les obligations pour les acheteurs publics, ainsi que les opportunités pour les entreprises de s’engager dans cette démarche.
L’insertion par l’activité économique : cadre juridique
L’article L. 5132-1 du Code du travail établit que l’insertion par l’activité économique a pour objectif de permettre aux personnes sans emploi, confrontées à des difficultés spécifiques, de bénéficier de contrats de travail facilitant leur insertion professionnelle. Cette démarche repose sur l’accompagnement et l’emploi au sein de structures spécialisées.
L’article L. 5132-4 du Code du travail précise les types de structures habilitées à signer des conventions avec l’État pour mettre en œuvre l’IAE :
1. Entreprises d’insertion (EI)
2. Entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI)
3. Associations intermédiaires (AI)
4. Ateliers et chantiers d’insertion (ACI)
Ces entités jouent un rôle central dans l’accompagnement des publics en difficulté vers un retour à l’emploi durable.
Clauses d’insertion sociale dans les marchés publics
Les marchés publics sont également un levier important pour favoriser l’insertion professionnelle, notamment à travers l’insertion de clauses sociales. Les Cahiers des Clauses Administratives Générales (CCAG) dans leur version 2021 intègrent une clause spécifique relative à l’insertion sociale, en lien avec le développement durable. Ces clauses obligent les titulaires de marchés à réaliser des actions concrètes d’insertion.
Les documents particuliers du marché (tels que l’acte d’engagement, le CCAP ou le CCP) doivent préciser les modalités d’application de ces clauses, notamment :
- Le périmètre de l’action d’insertion.
- Les coordonnées du facilitateur en charge de l’accompagnement.
- Les profils des publics éligibles.
- Le volume horaire d’insertion à réaliser.
Ces éléments doivent être définis de manière claire afin de garantir une mise en œuvre efficace et mesurable.
L’insertion sociale et les clauses d’exécution dans les marchés publics
L’intégration de clauses sociales dans les marchés publics s’appuie sur les dispositions de l’article L. 2112-2 du Code de la commande publique, qui stipule que les conditions d’exécution d’un marché doivent être liées à son objet. Ces conditions peuvent inclure des considérations sociales, telles que l’emploi ou la lutte contre les discriminations.
Les clauses sociales peuvent également être utilisées comme critères d’attribution des marchés publics, en vertu de l’article L. 2152-7 du Code de la commande publique. Ainsi, l’offre économiquement la plus avantageuse peut être déterminée en tenant compte des aspects sociaux, tels que le nombre d’emplois locaux créés ou l’insertion de publics en difficulté.
Exemples concrets de clauses sociales dans les marchés publics
Critère d’insertion professionnelle, un pouvoir adjudicateur peut légalement inclure un critère d’insertion pour les publics en difficulté, permettant d’apprécier objectivement les offres sur cette base (CE, 25 mars 2013, n° 364950, Département de l’Isère).
Critère lié aux emplois locaux, l’insertion de clauses valorisant la création d’emplois locaux est permise si elle est en lien direct avec l’exécution du contrat (CE, 20 décembre 2019, n° 428290, Société Lavalin).
Les possibilités pour les acheteurs publics
Les acheteurs publics disposent de plusieurs outils pour maximiser l’impact des clauses sociales d’insertion :
- Prévoir des clauses sociales d’exécution dans le CCAP, conformes aux articles du Code de la commande publique (articles L. 2112-2, L. 2112-3, L. 2112-4).
- Intégrer des variantes sociales dans le règlement de consultation.
- Réserver certains marchés ou lots à des structures d’insertion (articles L. 2113-12 et L. 2113-13 du Code de la commande publique).
Ces mesures permettent de concilier performance économique et responsabilité sociale au sein des marchés publics.
L’insertion par l’activité économique, soutenue par des dispositions spécifiques du Code du travail et de la commande publique, offre des opportunités pour les entreprises souhaitant s’engager dans une démarche de responsabilité sociale. L’intégration de clauses sociales dans les marchés publics n’est pas seulement une obligation pour les acheteurs, mais également une possibilité pour les entreprises de contribuer activement à l’inclusion sociale, tout en renforçant leur positionnement sur des marchés exigeants en matière de développement durable et d’innovation sociale.
Clause sociale d’insertion des CCAG 2021
Clause d’insertion sociale du CCAG-Travaux 2021
Ses dispositions figurent dans un article relatif au développement durable rédigé comme suit.
20.1. Clause d’insertion sociale
Lorsque les documents particuliers du marché prévoient que le titulaire réalise une action d’insertion permettant l’accès ou le retour à l’emploi de personnes rencontrant des difficultés sociales et/ou professionnelles, leur mise en œuvre s’effectue dans les conditions prévues au présent article, ils précisent a minima :
– le périmètre de l’action à réaliser ;
– les coordonnées du facilitateur le cas échéant ;
– les profils de publics éligibles à la clause d’insertion ;
– le volume horaire d’insertion à la charge du titulaire.
L’action d’insertion définie dans les documents particuliers du marché est mise en œuvre dans les conditions prévues par le présent article.
20.1.1. Publics éligibles
Les personnes visées par l’action d’insertion professionnelle relèvent notamment de l’une des catégories suivantes :
20.1.1.1. Personnes recrutées et accompagnées dans une structure reconnue par l’Etat :
a) personnes prises en charge dans le secteur adapté ou protégé : salariés des entreprises adaptées, des entreprises adaptées de travail temporaire ou usagers des ESAT ;
b) personnes prises en charge dans les structures d’insertion par l’activité économique (IAE) mentionnée à l’article L5132-4 du code du travail, c’est-à-dire :
– mises à disposition par une association intermédiaire (AI) ou une entreprise de travail temporaire d’insertion (ETTI),
– salariées d’une entreprise d’insertion (EI), d’un atelier chantier d’insertion (ACI) ;
c) personnes employées par une régie de quartier ou de territoire agréée ;
d) personnes prises en charge dans des dispositifs particuliers, notamment les Etablissements Publics d’Insertion de la Défense (EPIDE) et les Ecoles de la deuxième Chance (E2C) ;
e) personnes en parcours d’insertion au sein des groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ) ;
f) personnes sous-main de justice employées en régie, dans le cadre du service de l’emploi pénitentiaire de l’agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle (ATIGIP) ou affectées à un emploi auprès d’un concessionnaire de l’administration pénitentiaire.
20.1.1.2. Personnes répondant à des critères d’éloignement du marché du travail :
a) demandeurs d’emploi de longue durée (plus de 12 mois d’inscription au chômage) sans activité ou en activité partielle (moins de 6 mois dans les 12 derniers mois) ;
b) bénéficiaires du RSA en recherche d’emploi ;
c) personnes ayant obtenu la reconnaissance de travailleurs handicapés au sens de l’article L5212-13 du code du travail orientés en milieu ordinaire et demandeurs d’emploi fixant la liste des bénéficiaires de l’obligation d’emploi ;
d) bénéficiaires de l’allocation spécifique de solidarité (ASS), de l’allocation adulte handicapé (AAH), de l’allocation d’insertion (AI), de l’allocation veuvage, ou de l’allocation d’invalidité ;
e) jeunes de moins de 26 ans en recherche d’emploi :
– sans qualification (infra niveau 3, soit niveau inférieur au CAP/BEP) et sortis du système scolaire depuis au moins 6 mois ;
– diplômés, justifiant d’une période d’inactivité de 6 mois depuis leur sortie du système scolaire ou de l’enseignement supérieur ;
f) demandeurs d’emploi seniors (plus de 50 ans) ;
g) jeunes en suivi renforcé de type PACEA, SMA, SMV, en sortie de dispositif Garantie Jeunes ;
h) habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville éloignés de l’emploi ;
i) personnes ayant le statut de réfugié ou bénéficiaires de la protection subsidiaire ;
j) personnes rencontrant des difficultés particulières sur proposition motivée de Pôle emploi, des maisons de l’emploi, des plans locaux pour l’insertion et l’emploi (PLIE), des missions locales, de Cap emploi ou des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
L’éligibilité des publics doit être établie préalablement à la mise en œuvre du dispositif et à la réalisation des heures d’insertion.
20.1.2. Modalités de mise en œuvre de l’action d’insertion professionnelle du titulaire
Le titulaire s’engage à réaliser une action d’insertion, au minimum à hauteur des objectifs horaires d’insertion fixés dans les documents particuliers du marché. L’ensemble des actions mises en œuvre doivent intervenir durant la période d’exécution du marché.
Si la formation fait partie du contrat de travail (contrat de professionnalisation, contrat d’apprentissage, etc.), les heures de formation sont comptabilisées au titre des heures d’insertion.
20.1.3. Globalisation des heures d’insertion
Si, dans un même bassin d’emploi, le titulaire est attributaire d’un ou plusieurs autres marchés comportant une clause d’insertion sociale, le titulaire peut solliciter auprès du maître d’ouvrage la globalisation des heures d’insertion, afin de favoriser le parcours d’insertion des personnes éloignées de l’emploi. Celle-ci doit être définie dans les documents particuliers du marché.
L’action d’insertion professionnelle peut être mise en œuvre par le titulaire selon une ou plusieurs des modalités suivantes :
– par une embauche directe en contrat à durée indéterminée (CDI), en contrat à durée déterminée (CDD) par l’entreprise titulaire, ou en contrats en alternance (contrat de professionnalisation ou contrat d’apprentissage). Les heures effectuées par les personnes en insertion via l’embauche directe sont comptabilisées durant l’exécution du marché à compter de la date d’embauche et pour une période maximale de deux ans ;
– par la mise à disposition de salariés en insertion via le recours à une association intermédiaire (AI), ou à une entreprise de travail temporaire d’insertion (ETTI), ou à une entreprise de travail temporaire adapté (ETTA), ou à un groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ), ou à une entreprise de travail temporaire (ETT) ;
– par le recours à la sous-traitance ou au groupement d’opérateurs économiques avec une entreprise d’insertion (EI), un atelier chantier d’insertion (ACI) ou une entreprise adaptée (EA), un établissement et service d’aide par le travail (ESAT), une entreprise d’insertion par le travail indépendant (EITI), ou un travailleur indépendant handicapé (TIH).
En cas de groupement d’opérateurs économiques, le mandataire du groupement est l’interlocuteur unique du le maître d’ouvrage pour le suivi d’exécution de la clause d’insertion. Cette mission peut également être confiée, le cas échéant, à un facilitateur identifié dans les documents particuliers du marché.
A l’issue du marché, le titulaire s’engage à étudier toutes les possibilités d’embauche ultérieure des personnes en insertion.
20.1.4. Intervention d’un facilitateur
Afin de faciliter la mise en œuvre de la démarche d’insertion, le titulaire peut bénéficier de l’accompagnement d’un facilitateur dont les coordonnées sont précisées dans les documents particuliers du marché.
20.1.4.1. Dans le cadre du marché, le facilitateur a pour mission notamment :
– d’accompagner le titulaire dans la définition du besoin de recrutement (nature du poste, compétence …) et de lui proposer les modalités les plus appropriées de mise en œuvre de la clause d’insertion (embauche directe, mise à disposition, etc…) ;
– d’identifier les publics susceptibles de répondre au besoin du titulaire ;
– d’organiser le suivi des publics ;
– de mesurer et de communiquer auprès du le maître d’ouvrage et du titulaire sur les réalisations obtenues dans le cadre du marché.
20.1.4.2. Le titulaire désigne un correspondant opérationnel pour le suivi des actions d’insertion professionnelle, interlocuteur privilégié du le maître d’ouvrage et du facilitateur.
Le titulaire transmet au maître d’ouvrage, et le cas échéant au facilitateur, dès lors que le maître d’ouvrage lui a communiqué les coordonnées du facilitateur, tous renseignements utiles permettant le contrôle et le suivi de l’exécution de la clause d’insertion sociale.
Ces informations, ainsi que la fréquence de leur transmission, sont précisées dans les documents particuliers du marché.
20.1.4.3. A l’initiative du maître d’ouvrage, une réunion de mise au point de l’action d’insertion est organisée avec le titulaire et, le cas échéant, le facilitateur.
Elle est mise en place après notification du marché selon un délai précisé dans les documents particuliers du marché.
Durant toute la période d’exécution du marché, le maître d’ouvrage peut organiser avec le titulaire et, le cas échéant le facilitateur, des réunions de suivi de la clause d’insertion.
Commentaires
Les renseignements utiles détaillés dans les documents particuliers du marché par le titulaire sont notamment : date d’embauche, type de contrat, poste occupé, justificatif de l’éligibilité des personnes recrutées, attestation trimestrielle d’heures d’insertion adressée au facilitateur, récapitulatif des factures, etc.
20.1.4.4. Le titulaire notifie au maître d’ouvrage toute difficulté pour assurer son engagement. Dans ce cas, le maître d’ouvrage, et le cas échéant le facilitateur, étudie avec le titulaire les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs d’insertion.
En cas de difficultés économiques, établies par un faisceau d’indices, l’entreprise attributaire peut demander au maître d’ouvrage la suspension ou la suppression de la clause d’insertion sociale.
En cas de difficultés économiques qui se traduisent par le recours à de l’activité partielle, à l’engagement d’une procédure de licenciement pour motif économique ou à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, le maître d’ouvrage annule la clause d’insertion sociale. Cette annulation est subordonnée à la communication d’une copie des documents afférents à ces difficultés, transmis à la DIRECCTE ou au juge.
20.1.4.5. Il est procédé au contrôle de l’exécution de l’action d’insertion pour laquelle le titulaire s’est engagé, tout au long de l’exécution des prestations :
– le titulaire, ou le cas échéant le facilitateur, établit pendant toute la durée du marché un bilan annuel sur la base des bilans transmis au maître d’ouvrage ;
– le titulaire, ou le cas échéant le facilitateur, rédige un bilan final dans le mois précédant la fin de l’exécution du marché transmis au maître d’ouvrage.
Ces bilans portent sur les aspects quantitatif et qualitatif de l’action d’insertion.
20.1.5. Pénalités pour non-respect de la clause d’insertion sociale
Le titulaire se voit appliquer une pénalité forfaitaire dont le montant est fixé par les documents particuliers du marché après mise en demeure restée infructueuse. Lorsque le titulaire a informé le maître d’ouvrage de difficultés dans la mise en œuvre du présent article 20, la pénalité ne s’applique pas à la part des heures d’insertion initialement prévues pour lesquelles le maître d’ouvrage ou le facilitateur ne sont pas parvenus à trouver un moyen pour le titulaire d’y recourir.
En cas d’absence injustifiée à une réunion de suivi de l’exécution de la clause d’insertion sociale, le titulaire se voit appliquer, après mise en demeure restée infructueuse de justifier son absence, une pénalité forfaitaire dont le montant est fixé par les documents particuliers du marché.
En cas de non-transmission, ou transmission partielle, ou retard de transmission des documents et attestations propres à permettre le contrôle de l’exécution de l’action d’insertion professionnelle (notamment justificatifs d’éligibilité des publics et justificatifs des missions confiées et heures réalisées), le titulaire se voit appliquer, pour chaque manquement, et après avoir été mis en demeure d’y remédier, une pénalité forfaitaire dont le montant est fixé par les documents particuliers du marché.
Commentaires
Le recours à la sous-traitance n’exonère pas le titulaire de ses obligations en matière de clause d’insertion. S’il peut partager une partie de l’effort d’insertion, il restera responsable de leur bonne exécution et de la bonne remontée d’information. Les pénalités sont supportées par le titulaire. Il appartient à ce dernier de prévoir dans le contrat de sous-traitance les stipulations qui permettront de responsabiliser son sous-traitant.