Entreprises : Attention aux omissions dans vos mémoires techniques ! Apprenez des erreurs des autres !
Le 18 octobre 2024, le Conseil d’État en lance un avertissement clair à toutes les entreprises candidates aux marchés publics :
Un mémoire technique incomplet n’est pas une simple maladresse, c’est une erreur fatale qui conduit au rejet automatique de votre offre.
Cette décision pose également le problème potentiel de la distinction entre imprécision et irrégularité dans le contexte des marchés publics.
Stop aux idées reçues
Dès lors que le règlement de la consultation rend obligatoire le respect de certaines exigences utiles pour l’examen des offres, ne comptez pas trop sur l’indulgence des évaluateurs de vos offres.
« J’ai un super modèle de mémoire technique qui a déjà fait ses preuves … »
FAUX ! C’est justement ce type de pratique qui vous met en danger. Chaque marché est unique et exige une réponse sur-mesure.
« Je peux compléter si l’acheteur me le demande… »
FAUX ! Une fois votre offre déposée, il est trop tard. Un mémoire incomplet rend votre offre irrégulière, sans possibilité de correction. Et l’acheteur ne doit pas confondre demande de régularisation avec demande de précisions.
« Ce n’est pas grave si je reste un peu vague… »
FAUX ! Le Conseil d’État est formel : une description générale ne suffit pas. Il faut être précis et spécifique au marché.
Le piège des modèles types et autres exemples de mémoires techniques
Voici pourquoi les modèles types sont dangereux :
- Ils vous font oublier de répondre à des exigences spécifiques du marché
- Ils contiennent des informations générales non adaptées
- Ils vous font passer à côté des particularités du règlement de consultation et du cahier des charges
La rédaction des mémoires techniques complets et spécifiques
Le contentieux opposant la société Quadrimex Chemical à la métropole Toulon-Provence-Méditerranée, jugée par le Conseil d’État (CE, 18 octobre 2024, n° 474772), met en évidence un point décisif pour toutes les entreprises soumissionnant à des marchés publics : la rédaction des mémoires techniques complets et spécifiques.
Dans cette affaire, l’offre de la société Compagnie des eaux et de l’ozone a été jugée irrégulière et écartée en raison d’un mémoire technique incomplet. Le juge a considéré que l’absence de détails sur les moyens matériels, notamment pour le système de pompage et de remplissage, constituait une violation du règlement de la consultation.
Cet exemple illustre parfaitement le risque encouru par les entreprises qui négligent certains aspects du règlement de la consultation (RC) lors de la rédaction de leur mémoire technique.
Les points à retenir pour éviter les mémoires techniques incomplets
Le RC est la bible et chaque exigence du RC doit être scrupuleusement respectée. Prenez le temps de l’analyser en détail et assurez-vous que votre mémoire technique répond à toutes les demandes, sans exception.
La précision est essentielle, donc n’hésitez pas à être exhaustif dans votre mémoire technique. Détaillez avec précision les moyens humains et matériels que vous mobiliserez pour le marché, ainsi que les autres éléments exigés par l’acheteur.
Plus vous êtes précis, moins vous laissez de place à l’interprétation et au risque d’être considéré comme incomplet.
Une omission peut être fatale, or, ce qui peut sembler être un détail anodin pour vous peut être perçu comme une irrégularité substantielle par la justice. Ne sous-estimez aucune exigence du RC, même si elle vous paraît secondaire.
Irrégularité = Élimination, l’équation est simple. Contrairement à une simple imprécision qui peut être corrigée, une irrégularité entraîne automatiquement l’élimination de votre offre.
Il en résulte que la rédaction du mémoire technique ne doit pas être prise à la légère. Un mémoire technique incomplet peut vous coûter cher et vous faire perdre un marché, même si votre entreprise est compétente. Soyez rigoureux, précis et exhaustif, en vous appuyant sur le RC comme guide.
Distinction entre imprécision et irrégularité dans le contexte des marchés publics
La différence entre une imprécision et une irrégularité dans un mémoire technique pour un marché public est fondamentale, car elle détermine si une offre peut être sauvée ou si elle est automatiquement éliminée. Cette distinction est clairement illustrée dans la décision du Conseil d’État précitée.
Qu’est-ce qu’une imprécision dans le cadre de la commande publique ?
Une imprécision est un manque de clarté ou de détail dans l’offre qui peut être facilement corrigé. Elle n’affecte pas fondamentalement la validité de l’offre et peut généralement être levée par une demande de précisions au candidat.
Par exemple, si le mémoire technique mentionne l’utilisation d’un certain type de matériel sans spécifier le modèle précis, il s’agit d’une imprécision. Le pouvoir adjudicateur peut demander au candidat de préciser le modèle exact, permettant ainsi de compléter l’information manquante sans remettre en cause l’offre.
Qu’est-ce qu’une irrégularité dans le cadre de la commande publique ?
Une irrégularité, en revanche, est un manquement à une exigence essentielle du règlement de la consultation (RC). Elle ne peut pas être régularisée et entraîne automatiquement l’élimination de l’offre, car elle affecte le principe d’égalité de traitement des candidats.
Dans l’affaire précédente, l’omission de détails concernant les moyens matériels, notamment le système de pompage et de remplissage, a été jugée comme une irrégularité substantielle. Cette omission, bien que portant sur un aspect spécifique, a été considérée comme une violation de l’article 6.1 du RC, qui exigeait un mémoire justificatif « précisant » les moyens affectés au projet.
Rappelons que la régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet « d’en modifier des caractéristiques substantielles ».
La distinction entre imprécision et irrégularité repose donc sur deux critères principaux :
- La nature de l’omission, à savoir s’agit-il d’un simple manque de clarté ou d’un manquement à une obligation essentielle du RC ?
- L’impact sur l’évaluation de l’offre, à savoir l’information manquante, empêche-t-elle le pouvoir adjudicateur de comparer les offres de manière objective et équitable ?
Il est donc primordial pour les entreprises de comprendre la différence entre imprécision et irrégularité lors de la rédaction de leur mémoire technique. Un mémoire technique précis et complet, conforme en tout point au RC, est indispensable pour éviter l’élimination de l’offre.
La régularisation d’un mémoire technique incomplet : impossible dans ce cas précis
La question de savoir si un mémoire technique incomplet peut être régularisé est complexe et dépend de la nature de l’omission et des exigences spécifiques du règlement de consultation.
Une offre technique non régularisable
Dans le cas précis de la décision précitée, le mémoire technique ne pouvait pas être régularisé. La Cour administrative d’appel, confirmée par le Conseil d’État, a jugé que l’absence de détails sur les moyens matériels, notamment concernant le système de pompage et de remplissage, constituait une irrégularité substantielle et non une simple imprécision.
Plusieurs éléments expliquent cette impossibilité de régularisation
La violation d’une exigence essentielle du règlement de consultation
L’article 6.1 du règlement de la consultation imposait aux candidats de fournir un mémoire justificatif « précisant » les moyens humains et matériels affectés au projet. L’omission de ces détails a été considérée comme une violation claire de cette obligation.
Nature de l’information manquante
Les informations manquantes concernant les moyens matériels étaient essentielles pour permettre au pouvoir adjudicateur d’évaluer la capacité du candidat à réaliser les prestations du marché. Il ne s’agissait pas de simples détails techniques, mais d’éléments clés de l’offre.
Distinction entre imprécision et irrégularité
Une imprécision peut généralement être levée par une demande de précisions au candidat. En revanche, une irrégularité, comme un manquement à une exigence essentielle du règlement de la consultation, ne peut être régularisée.
Rappelons que la régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet « d’en modifier des caractéristiques substantielles ». Elle entraîne l’élimination de l’offre car elle met en cause le principe d’égalité de traitement des candidats.
Il en résulte que la régularisation d’un mémoire technique incomplet n’est pas toujours possible. Dans le cas présent, la nature de l’omission et son impact sur l’évaluation de l’offre ont conduit à son exclusion.
La décision du Conseil d’État confirme la jurisprudence en matière de marchés publics : le respect scrupuleux du règlement de la consultation est une condition incontournable pour la validité d’une offre.
Jurisprudence CE, 18 octobre 2024, n° 474772
La décision société Quadrimex Chemical c/ Métropole Toulon-Provence-Méditerranée, sur le site Internet du Conseil d’État (CE, 18 octobre 2024, n° 474772).