Dysfonctionnement de la plateforme de dématérialisation et pli hors délai

Dysfonctionnements de la plateforme de dématérialisationLa dématérialisation des procédures de marchés publics est devenue incontournable. Les plateformes électroniques, appelées profils d’acheteur, sont réputées « faciliter » la réponse électronique. L’informatique est parfois capricieuse et des dysfonctionnements de la plateforme de dématérialisation surviennent parfois, provoquant des difficultés techniques pour les entreprises qui souhaitent déposer leur offre dans les délais impartis. La réception hors délai des plis n’est pas rare et les raisons sont souvent techniques. Le libre téléchargement des DCE a évidemment largement facilité l’accès aux pièces de la consultation pour les entreprises, par contre là où cela peut coincer c’est non seulement la transmission électronique des plis mais également d’autres « bugs » parfois même inattendus.

Sommaire

Des aléas techniques très divers dans le processus de dépôt des plis

Tester la technique et anticiper : pas de transmission le dernier jour !

Dysfonctionnements de la plateforme de dématérialisation et charge de la preuve

  • Prévoir, avant l’heure limite de réception, un laps de temps minimum de sécurité
  • Effectuer les « diligences normales » et surtout « en temps utile »

Le dysfonctionnement de la plateforme peut justifier que l’acheteur corrige une erreur de tiroir numérique.

Des aléas techniques très divers dans le processus de dépôt des plis

Indisponibilité du profil d’acheteur, bugs de la plate-forme électronique, offres tardives déposées « hors délai », fichiers reçus par l’acheteur illisibles , certificat de signature électronique défaillant, durée de transmission anormale, hotline injoignable, manque de clarté des documents de la consultation sont autant de problèmes qui peuvent entraver le bon déroulement de votre réponse à un appel d’offres. Ça vous parle ?

Tester la technique et anticiper : pas de transmission le dernier jour !

La remise des offres est encadrée par des délais strict et doit intervenir de manière dématérialisée, sur une plateforme dédiée à cet effet. Il est donc nécessaire pour les entreprises de mettre en place des mesures pour anticiper ces dysfonctionnements et minimiser les risques de bugs de la plateforme de dépôt des plis.  Si l’entreprise a correctement testé la configuration technique et effectué en temps utile les diligences nécessaires les acheteurs sont alors tenus de prouver, lorsqu’un incident est survenu qu’ils n’en sont pas responsables.

Nous allons discuter de ces différents enjeux liés à la plateforme de dématérialisation des marchés publics et des précautions à adopter pour y faire face.

En cas d’incidents, en votre qualité de soumissionnaire, vous avez intérêt à rassembler un maximum de preuves pour démontrer que votre configuration informatique fonctionne normalement et que vous avez accompli en temps utile les diligences normales attendues d’un candidat pour le téléchargement de son offre.

Par conséquent si vous vous y prenez le dernier jour pour transmettre votre pli, c’est à vos risques et périls.

En d’autres termes ce n’est pas dans un laps de temps inadapté qui précède le dépôt que l’on teste sa configuration technique et que l’on réalise la simulation de dépôt même si généralement tout se passera correctement.

N’oubliez pas de tenir compte des volumes transmis au titre de la réponse, car il arrive que certaines entreprises envoient des plis de plusieurs Go. Toutes les plateformes n’acceptent pas forcément de tels volumes. Il arrive également que la signature électronique de certains fichiers prenne du temps, par conséquent anticipez !

Dysfonctionnements de la plateforme de dématérialisation et charge de la preuve

Lors d’un dysfonctionnement de la plateforme de dématérialisation et dans le cadre de la transmission des offres par voie électronique dans un contrat de la commande publique se pose le problème de la charge de la preuve en cas de fonctionnement défectueux du profil d’acheteur. Ceci s’applique également à d’autres types d’aléas techniques.

L’acheteur ne peut écarter une offre reçue tardivement si ce dernier ne peut établir le bon fonctionnement de sa plateforme électronique.

Le soumissionnaire, quant à lui, doit anticiper le dépôt de son pli, en accomplissant « en temps utile », d’une part les « diligences normales attendues d’un candidat pour le téléchargement de son offre » et, d’autre part, en apportant la preuve « que le fonctionnement de son équipement informatique était normal »

Le Conseil d’Etat juge que « si l’article R.2151-5 du code de la commande publique prévoit que les offres reçues hors délai sont éliminées, l’acheteur public ne saurait toutefois rejeter une offre remise par voie électronique comme tardive lorsque le soumissionnaire, qui n’a pu déposer celle-ci dans le délai sur le réseau informatique mentionné à l’article R.2132-9 du même code, établit, d’une part, qu’il a accompli en temps utile les diligences normales attendues d’un candidat pour le téléchargement de son offre et, d’autre part, que le fonctionnement de son équipement informatique était normal.

[ …] et, d’autre part, que la RATP n’établissait pas le bon fonctionnement de sa plateforme de dépôt et en déduisant de ce constat que la tardiveté de la remise de l’offre de la société Alstom-Aptis était imputable à un dysfonctionnement de cette plateforme qui faisait obstacle à ce que la RATP écarte cette offre comme tardive, le juge des référés n’a commis aucune erreur de droit ».

Dans un cas de dysfonctionnement allégué de la plateforme où, :

  • d’une part, l’impossibilité pour un candidat de transmettre son offre dématérialisée dans le délai imparti n’est imputable ni à son équipement informatique, ni à une faute ou une négligence de sa part dans le téléchargement des documents constituant son offre,
  • et où, d’autre part, l’acheteur public n’établit pas le bon fonctionnement de sa plateforme de dépôt,

dans ce cas la tardiveté de la remise de l’offre doit être regardée comme imputable à un dysfonctionnement de cette plateforme faisant obstacle à ce que l’acheteur public écarte cette offre comme tardive.

Ainsi le Conseil d’Etat précise les règles : le soumissionnaire doit accomplir « en temps utile », d’une part les « diligences normales attendues d’un candidat pour le téléchargement de son offre, et d’autre part, le fonctionnement normal de son équipement informatique.

Prévoir, avant l’heure limite de réception, un laps de temps minimum de sécurité

« il appartient toutefois à l’entreprise candidate de prévoir, avant l’heure limite de réception, un laps de temps minimum de sécurité permettant de garantir son envoi dématérialisé en lui laissant les moyens de remédier à un éventuel problème technique qui pourrait survenir au cours du dépôt électronique de son offre » (TA Caen, 20 janvier 2012, n°1200012 – TA Caen, 28 juillet 2016, n°1601353).

Il n’existe pas de valeur figée dans le marbre, ce sera du cas par cas en fonction du contexte.

Effectuer les « diligences normales » et aussi « en temps utile »

Donc si vous vous y prenez à la dernière minute pour le téléchargement de votre pli de réponse sur la plateforme de dépôt ce sera à vos risques et périls, d’autant plus que parfois les Conditions Générales d’Utilisation des plateformes vous mettent clairement en garde.

La notion de « temps utile » est à apprécier au cas par cas, ainsi un tribunal administratif a jugé qu’un démarrage du téléchargement des pièces de la réponse 2h30 avant l’expiration du délai était tardif au regard du contexte (TA Clermont-Ferrand, 24 mars 2022, n°2200606, Sté IVECO France).

« En débutant le téléchargement de son offre seulement 2h30 avant l’expiration de l’heure limite fixée par le syndicat mixte, la société IVECO France ne peut être regardée comme ayant accompli en temps utile les diligences normales attendues d’un candidat pour le téléchargement de son offre, ayant été dûment informée de la nécessité technique de transmettre le dossier la veille« .

Une solution similaire avait été adopté par le tribunal administratif de Caen (TA Melun, 25 février 2019, n° 1900979 [2 minutes et 33 secondes de retard], TA Caen, 28 juillet 2016, n° 1601353 [2 minutes et 26 secondes de retard]).

Pour les diligences il est conseillé aux entreprises :

  • de veiller à s’identifier et s’authentifier ;
  • de s’assurer des prérequis techniques et les modules d’extension nécessaires pour utiliser le profil d’acheteur (caractéristiques des son équipement informatique, accès à Internet, logiciel JAVA lorsque nécessaire, …) ;
  • d’accéder à l’espace permettant de tester que la configuration du poste de travail utilisé est en adéquation avec les prérequis techniques du profil d’acheteur. Cet espace de test est disponible sur les plateformes de dépôt ;
  • d’accéder à l’espace permettant de simuler le dépôt de documents. Ce type de contrôle est important à effectuer avec un dépôt de pli similaire à celui qui sera réellement effectué (nombre de documents, poids des fichiers, taille maximale des fichiers transmis, formats utilisables, …) ;
  • d’effectuer les dépôts successifs lorsque nécessaire ;
  • de signer les offres électroniquement avec un certificat de signature valide et conforme au règlement européen EIDAS ;
  • de contacter l’assistance technique de la plateforme mais aussi consulter le support utilisateur permettant d’apporter des réponses aux problématiques techniques ;
  • de contacter l’acheteur si nécessaire.

CE, 23 septembre 2021, RATP, n°449250 (Procédure négociée de passation d’un accord-cadre multi attributaire à marchés subséquents relatif à la  » fourniture d’autobus électriques standards (12 m) « , sans montant minimum et avec un montant maximum de 825 000 000 euros. La RATP avait rejeté l’offre de la société Alstom-Aptis en raison de sa réception tardive).

FORMATION Réponse dématérialisée aux AO et DUME

Le dysfonctionnement de la plateforme peut justifier que l’acheteur corrige une erreur de tiroir numérique

Dans une décision intéressante concernant le dépôt d’un pli dans le mauvais « tiroir numérique » le Conseil d’Etat semble admettre que l’acheteur, pourrait dans ce cas « rectifier de lui-même l’erreur de dépôt ainsi commise« .

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