Analyse des offres HT ou TTC et marchés publics – 22TL20276

Analyse des offres HT ou TTC

Analyse des offres HT ou TTC

Analyse comparative des offres dans les marchés publics : comparaison TTC en l’absence de disposition contraire

La décision de la Cour Administrative d’Appel de Toulouse du 19 mars 2024 (n° 22TL20276) précise les conditions dans lesquelles doit s’opérer la comparaison des prix lors de l’analyse des offres dans le cadre d’un marché public. Cette jurisprudence précise la prise en compte de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans l’analyse comparative, particulièrement lorsque certains candidats ne sont pas assujettis à cette taxe.

Les faits et la procédure

La région Occitanie a lancé en mai 2019 un marché à procédure adaptée (MAPA) pour une prestation de formation relative à l’analyse de la capacité financière des porteurs de projets. Après avoir déposé son offre, la société Proximum a été informée du rejet de celle-ci, classée en seconde position, et de l’attribution du marché à l’association Clymats d’Entreprises.

La particularité réside dans le fait que la société requérante n’était pas assujettie à la TVA, contrairement à l’association attributaire. Or, dans son analyse, la région Occitanie a comparé les offres sur la base des prix hors taxes, attribuant ainsi la meilleure note à l’association Clymats d’Entreprises dont l’offre présentait un prix hors taxes de 12 000 euros (soit 14 400 euros TTC), alors que l’offre de la société Proximum s’élevait à 12 600 euros TTC.

Après avoir vu sa demande de résiliation du contrat et d’indemnisation rejetée par le Tribunal administratif de Toulouse, la société Proximum a fait appel de cette décision.

Les principes dégagés par la Cour Administrative d’Appel

L’exigence d’une comparaison des offres en fonction du prix réellement supporté par l’acheteur

La Cour rappelle que « le montant du prix dont le pouvoir adjudicateur est débiteur dans le cadre d’un marché public de services correspond aux frais qu’il doit engager pour obtenir cette prestation, ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût de la prestation, à moins que le pouvoir adjudicateur ne relève d’un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu’il a perçue à raison de ses propres opérations » (considérant 9).

En d’autres termes, ce qui importe pour l’acheteur public est le prix final qu’il devra effectivement débourser, incluant la TVA s’il ne peut la déduire.

L’importance des documents contractuels pour déterminer la volonté de l’acheteur

Si le règlement de la consultation ne précisait pas expressément si les prix devaient être exprimés hors taxes ou toutes taxes comprises, la Cour relève néanmoins que d’autres éléments attestaient de « la volonté non équivoque du pouvoir adjudicateur de bénéficier d’une offre assortie d’un prix incluant toutes les frais, dont la taxe sur la valeur ajoutée » (considérant 11). Ces éléments étaient notamment présents dans le cahier des clauses particulières, le cadre de décomposition du prix et le rapport d’analyse des offres.

L’atteinte au principe d’égalité entre les candidats

La Cour constate que la région Occitanie n’était pas en mesure de déduire la TVA grevant le prix des prestations. Dès lors, en comparant les offres sur la base des prix hors taxes, elle a méconnu le principe d’égalité entre les candidats prévu à l’article L. 3 du code de la commande publique. Cette irrégularité a conduit à l’attribution du marché à l’association dont l’offre n’était pas économiquement la plus avantageuse.

Les conséquences juridiques sur la validité du contrat et l’indemnisation

L’absence d’annulation du contrat malgré l’irrégularité constatée

La Cour considère que le vice relevé, « dont il n’est pas établi qu’il aurait affecté le consentement de la personne publique et qui n’affecte pas non plus le contenu même du contrat, n’est pas d’une gravité telle […] qu’il implique que soit prononcée l’annulation du contrat » (considérant 13).

Par ailleurs, la Cour relève que le contrat ayant été entièrement exécuté, les conclusions tendant à sa résiliation sont devenues sans objet.

La reconnaissance d’un droit à indemnisation pour perte de chance

La Cour reconnaît que l’irrégularité relevée est à l’origine de l’éviction de la société Proximum qui aurait eu des chances sérieuses d’emporter le contrat. Elle établit ainsi un lien direct entre la faute tenant à l’irrégularité commise et le manque à gagner subi par la société.

Toutefois, s’agissant de l’indemnisation, la Cour conteste le taux de marge de 45% avancé par la société, qui correspondrait selon elle à une marge brute et non à la marge nette que lui aurait procuré le marché. Sur la base des données comptables accessibles, elle estime le taux de marge réel à environ 6% et fixe l’indemnité à 864 euros.