CE, 18 octobre 2024, n° 474772 – Mémoire technique incomplet

Mémoire technique incomplet

Mémoire technique incomplet

Mémoire technique incomplet rendant l’offre irrégulière

Il faut distinguer une simple imprécision (qui pourrait être régularisable) d’une réponse incomplète aux exigences du règlement de consultation (qui rend l’offre irrégulière).

La Haute juridiction consolide sa jurisprudence sur l’irrégularité des offres dont le mémoire technique est incomplet. Dans cette affaire (CE, 18 octobre 2024, n° 474772, Métropole Toulon-Provence-Méditerranée) portant sur un marché de fourniture et renouvellement de matériau filtrant, le Conseil d’État valide le raisonnement des juges du fond ayant jugé irrégulière une offre dont le mémoire technique se contentait d’une description générale des moyens matériels, sans préciser leur affectation spécifique au chantier. L’arrêt pose le principe que la simple énumération de matériels (trois bennes semi-remorques, un camion tracteur et un chariot élévateur) sans démonstration de leur affectation précise au chantier ne satisfait pas l’exigence d’individualisation des moyens imposée par le règlement de consultation.

Caractère impératif du règlement de la consultation

Le Conseil d’État pose d’abord un principe fondamental : le règlement de consultation est obligatoire dans toutes ses mentions, sauf si une exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des offres.

Ce principe signifie qu’un pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement.

Rejet de l’offre pour insuffisance du mémoire technique

La Haute juridiction valide l’analyse des juges du fond qui avaient relevé l’irrégularité de l’offre retenue, car son mémoire technique ne répondait pas aux exigences du règlement de consultation.

Plus précisément, elle confirme que la simple mention de trois bennes semi-remorques, un camion tracteur et un chariot élévateur, décrits de façon générale et non limitative, ne suffit pas quand ces matériels ne sont pas spécifiquement affectés au chantier.

De plus, l’absence d’indication des moyens matériels affectés au système de pompage et de remplissage constitue une lacune substantielle.

L’apport de cette décision réside dans la distinction opérée entre une simple imprécision (qui pourrait être régularisable) et une réponse incomplète aux exigences du règlement de consultation (qui rend l’offre irrégulière).

Le Conseil d’État confirme qu’une description générale et non limitative des moyens matériels, sans précision sur leur affectation spécifique au chantier, caractérise une offre irrégulière qui doit être écartée.

Extrait de la décision (CE, 18 octobre 2024, n° 474772)

[…]

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 21 août 2017, la métropole Toulon-Provence-Méditerranée a lancé une consultation pour la conclusion d’un marché public, selon une procédure adaptée, pour la fourniture et le renouvellement du matériau filtrant des biofiltres de la station d’épuration Amphitria, à La Seyne-sur-Mer. Saisi par la société Quadrimex Chemical, candidate évincée, le tribunal administratif de Toulon a, par un jugement du 30 novembre 2020, condamné la métropole Toulon-Provence-Méditerranée à lui verser la somme de 215 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2018. Par un arrêt du 3 avril 2023, contre lequel la métropole Toulon-Provence-Méditerranée se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel principal formé par la métropole contre ce jugement et ordonné avant dire droit une expertise en vue d’évaluer le manque à gagner de la société Quadrimex Chemical.

2. Aux termes du deuxième alinéa du I de l’article 59 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics :  » Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu’elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale « .

3. Le règlement de la consultation prévu par un pouvoir adjudicateur pour la passation d’un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. Le pouvoir adjudicateur ne peut, dès lors, attribuer ce marché à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des offres.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’article 6.1 du règlement de la consultation du marché en litige mentionne au nombre des  » documents à produire  » un  » mémoire justificatif  » qui  » comportera obligatoirement les sous parties suivantes individualisées précisant : – les moyens humain et matériels que le prestataire s’engage à affecter à la préparation et à l’exécution des travaux « .

5. Contrairement à ce que soutient la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée, la cour administrative d’appel n’a pas dénaturé les pièces du dossier en relevant que, hormis trois bennes semi-remorques, un camion tracteur et un chariot élévateur, les matériels décrits de façon générale et non limitative dans le mémoire technique de l’offre retenue n’étaient pas spécifiquement affectés au chantier et que ce mémoire technique n’indiquait pas les moyens matériels affectés au système de pompage et de remplissage. Elle n’a pas davantage dénaturé les pièces du dossier ni commis d’erreur de droit ni entaché son arrêt de contradiction de motifs en en déduisant que l’offre retenue ne souffrait pas d’une simple imprécision mais ne répondait pas complètement aux exigences du règlement de la consultation et devait, par conséquent, être écartée comme irrégulière.

6. Il résulte de ce qui précède que la métropole Toulon-Provence-Méditerranée n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

[…]

Jurisprudence CE, 18 octobre 2024, n° 474772

La décision société Quadrimex Chemical c/ Métropole Toulon-Provence-Méditerranée, sur le site Internet du Conseil d’État (CE, 18 octobre 2024, n° 474772).