Conflit d’intérêts – Article L2141-10 – Code commande publique

Conflit d'intérêts

Conflit d’intérêts

Conflit d’intérêts au sens du Code de la commande publique (Article L2141-10)

La définition légale du conflit d’intérêts selon l’article L2141-10 du Code de la commande publique implique toute situation où une personne participant à la procédure de passation du marché, ou susceptible d’influencer son issue, détient un intérêt financier, économique, ou personnel pouvant compromettre son impartialité ou son indépendance.

Conflit d’intérêts selon la directive 2014/24/UE, article 24

Article 24 – Conflits d’intérêts

Les États membres veillent à ce que les pouvoirs adjudicateurs prennent les mesures appropriées permettant de prévenir, de détecter et de corriger de manière efficace des conflits d’intérêts survenant lors des procédures de passation de marché, afin d’éviter toute distorsion de concurrence et d’assurer l’égalité de traitement de tous les opérateurs économiques.

La notion de conflit d’intérêts vise au moins toute situation dans laquelle des membres du personnel du pouvoir adjudicateur ou d’un prestataire de services de passation de marché agissant au nom du pouvoir adjudicateur qui participent au déroulement de la procédure ou sont susceptibles d’en influencer l’issue ont, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou un autre intérêt personnel qui pourrait être perçu comme compromettant leur impartialité ou leur indépendance dans le cadre de la procédure de passation de marché.

Mesures préventives et correctives contre les conflits d’intérêts

Les pouvoirs adjudicateurs doivent utiliser tous les moyens à leur disposition pour prévenir les distorsions dans les procédures de passation de marchés publics dues à des conflits d’intérêts, en mettant en place des procédures de détection et de prévention.

Conflit d’intérêts selon la loi relative à la transparence de la vie publique

La loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 définit le conflit d’intérêts comme une interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés, pouvant influencer l’exercice impartial et objectif d’une fonction publique.

Conflit d’intérêts dans les délibérations municipales

Selon l’article L2131-11 du Code général des collectivités territoriales, les délibérations auxquelles participent des membres du conseil intéressés à l’affaire en cours sont illégales.

Critères d’appréciation du conflit d’intérêts

Le Conseil d’État prend en compte plusieurs critères pour évaluer l’existence d’un conflit d’intérêts, notamment la nature, l’intensité, et la durée des liens entre la personne impliquée et l’entreprise candidate, ainsi que l’influence potentielle sur l’issue de la procédure.

Sources juridiques

  • Article L2141-10 du Code de la commande publique (Définition du conflit d’intérêts dans le contexte des marchés publics.)
  • Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 (Définition du conflit d’intérêts au niveau européen et exigences pour éviter les distorsions dans les procédures de passation de marchés publics.)
  • Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique (Définition du conflit d’intérêts dans le cadre de la vie publique et de l’exercice de fonctions publiques.)
  • Article L2131-11 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) (Interdiction de participation à des délibérations pour les membres du conseil municipal ayant un intérêt personnel dans l’affaire.)
  • Fiche DAJ 2019 – L’examen des candidatures (Document émis par la Direction des affaires juridiques donnant des directives sur l’examen des candidatures dans le cadre des marchés publics.)

Jurisprudence

CE, 12 avril 2023, n° 466740, Office national des Forêts (Validation d’une clause excluant certains candidats pour assurer l’indépendance de l’attributaire du marché. Clarification sur la distinction entre les conditions de participation et d’exécution dans les marchés publics.)

CE, 28 février 2023, n° 467455 (La participation d’un dirigeant d’une société dans l’analyse des offres peut compromettre l’impartialité de la procédure de passation. Annulation de la procédure de passation.)

4. D’une part, il est constant que le dirigeant de la société AV Protec, assistante à la maîtrise d’ouvrage de la commune de Caudry, est également le dirigeant de la société CIPEO, éditeur du logiciel  » CANOPY 314 « , que l’offre du groupement attributaire désignait comme son fournisseur. D’autre part, il ressort tant de l’ordonnance attaquée que des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société AV Protec a, au titre de sa mission d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, participé à l’analyse des offres et à leur notation et a été ainsi susceptible d’influencer l’issue de la procédure. Par suite, en jugeant que la participation de la société AV Protec au déroulement de la procédure de passation du marché litigieux n’était pas de nature à compromettre l’impartialité de l’assistant à la maîtrise d’ouvrage ni, par conséquent, la régularité de la procédure de passation, le juge des référés a inexactement qualifié les faits de l’espèce.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l’ordonnance en litige doit être annulée.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu’en faisant participer la société AV Protec à l’analyse et l’évaluation des offres dans le cadre de la procédure de passation du marché litigieux, la commune de Caudry a méconnu le principe d’impartialité et, partant, ses obligations de publicité et de mise en concurrence. En revanche, il ne résulte de l’instruction aucune circonstance de nature à faire naître un doute sur le fait que cette société aurait élaboré le règlement de la consultation et les pièces du marché de façon à favoriser l’offre qui indiquerait utiliser le logiciel commercialisé par la société avec laquelle elle partage des intérêts. Par suite, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la demande, d’annuler la procédure de passation contestée au stade de l’analyse des offres, et d’enjoindre à la commune de Caudry, si elle entend conclure le marché en litige, de la reprendre à ce stade, sans qu’y participe la société AV Protec.

CE, 24 juin 2019, n° 428866, Département des Bouches-du-Rhône (Analyse d’une situation où un employé ayant changé d’entreprise entre une mission d’assistance et la passation d’un marché. Non reconnaissance d’une situation de conflit d’intérêts.)

Les 2° et 5° du I de l’article 48 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 permettent aux acheteurs d’exclure de la procédure de passation d’un marché public une personne qui peut être regardée, au vu d’éléments précis et circonstanciés, comme ayant, dans le cadre de la procédure de passation en cause ou dans le cadre d’autres procédures récentes de la commande publique, entrepris d’influencer la prise de décision de l’acheteur et qui n’a pas établi, en réponse à la demande que l’acheteur lui a adressée à cette fin, que son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être mis en cause et que sa participation à la procédure n’est pas de nature à porter atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats.

CE, 12 septembre 2018, n° 420454 (Erreur de droit concernant l’impartialité de l’acheteur public en raison d’un risque de divulgation d’informations confidentielles. Non reconnaissance d’une situation de conflit d’intérêts.)

Chef de projet au sein d’une société à laquelle a été confiée une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage en avril 2017 par une personne publique, ayant rejoint en décembre 2017, préalablement à la remise des offres, la société désignée attributaire n° 1 du marché correspondant…. ,,Si les informations confidentielles que l’intéressé aurait éventuellement pu obtenir à l’occasion de sa mission d’assistant à maîtrise d’ouvrage pouvaient, le cas échéant, conférer à son nouvel employeur un avantage de nature à rompre l’égalité entre les concurrents et obliger l’acheteur public à prendre les mesures propres à la rétablir, cette circonstance était en elle-même insusceptible d’affecter l’impartialité de l’acheteur public. Par suite, erreur de droit du juge des référés à avoir retenu un manquement à l’obligation d’impartialité de l’acheteur public du seul fait qu’il existait un risque que la société, attributaire du marché, ait pu obtenir des informations confidentielles à l’occasion de la participation de l’un de ses salariés à la mission d’assistance à la maîtrise d’ouvrage lorsque celui-ci travaillait antérieurement pour la société mandataire du syndicat.

CAA Versailles, 10 décembre 2015, n° 13VE02037 (Membre d’une commission d’appel d’offres ayant des liens professionnels avec une entreprise candidate. Méconnaissance du principe d’impartialité.)

La participation du vice-président de l’association attributaire d’un marché, en qualité de président de la commission d’appel d’offres à différents stades de la procédure d’attribution du marché litigieux, a été de nature à influer sur le choix de l’attributaire, même si cet élu n’a pas siégé lors de la dernière séance de la commission au cours de laquelle l’attributaire a été finalement désigné. Cette participation méconnaît le principe d’impartialité du pouvoir adjudicateur et entache la validité du contrat

CAA Paris, 28 septembre 2015, n° 14PA00462, Société Copytel (Épouse d’un conseiller municipal ayant un lien de parenté avec le dirigeant d’une entreprise candidate à un marché. Méconnaissance du principe de libre accès à la commande publique.)

La seule circonstance qu’un membre du conseil municipal ait un lien de parenté avec le dirigeant d’une des entreprises candidates à un marché de la commune ne suffit pas à justifier d’écarter par principe l’offre de cette société ; qu’il est constant que Mme F…G…, conseillère municipale de Saint-Maur-des-Fossés et membre suppléante de la commission d’appel d’offres, était l’épouse du gérant de la société Copytel ; que, toutefois, il est également constant qu’elle n’a pas siégé à la commission d’appel d’offres et qu’elle n’a exercé aucune influence sur le choix de l’entreprise attributaire ; que, dans ces conditions, et comme l’ont estimé à bon droit les premiers juges, la commune de Saint-Maur-des-Fossés, en éliminant par principe la candidature de la société Copytel, a méconnu le principe de libre accès à la commande publique et manqué à ses obligations de mise en concurrence

CJUE, 12 mars 2015, eVigilo Ltd, Aff. C-538/13 (Obligation pour le pouvoir adjudicateur de vérifier l’existence de conflits d’intérêts et de prendre des mesures préventives. Rejet de la demande de preuve de partialité d’un soumissionnaire évincé.)

Les dispositions des directives doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas en principe à ce que l’illégalité de l’évaluation des offres des soumissionnaires soit constatée par le seul fait que l’attributaire du marché a eu des liens significatifs avec des experts nommés par le pouvoir adjudicateur ayant évalué les offres. Le pouvoir adjudicateur est, en toute hypothèse, tenu de vérifier l’existence d’éventuels conflits d’intérêts et de prendre les mesures appropriées afin de prévenir, de détecter les conflits d’intérêts et d’y remédier. Dans le cadre de l’examen d’un recours visant l’annulation de la décision d’attribution du fait de la partialité des experts, il ne peut être exigé du soumissionnaire évincé qu’il prouve concrètement la partialité du comportement des experts. Il appartient, en principe, au droit national de déterminer si et dans quelle mesure les autorités administratives et juridictionnelles compétentes doivent tenir compte de la circonstance qu’une éventuelle partialité des experts a eu ou non un impact sur une décision d’attribution du marché.

CE, 22 octobre 2014, n° 382495, Société EBM Thermique (Absence de preuve d’un intérêt personnel ou d’une capacité d’influence créant un doute sur l’impartialité. Non reconnaissance d’une situation de conflit d’intérêts.)

CE, 19 avril 2013, n° 360598, Centre hospitalier d’Alès Cevennes (Évaluation de l’impartialité d’un expert. Absence de doute sur son impartialité malgré des liens professionnels passés.)

Il appartient au juge, saisi d’un moyen mettant en doute l’impartialité d’un expert, de rechercher si, eu égard à leur nature, à leur intensité, à leur date et à leur durée, les relations directes ou indirectes entre cet expert et l’une ou plusieurs des parties au litige sont de nature à susciter un doute sur son impartialité. En particulier, doivent en principe être regardées comme suscitant un tel doute les relations professionnelles s’étant nouées ou poursuivies durant la période de l’expertise. En l’espèce, expert ayant été par le passé directeur d’une société ayant participé à un groupement d’entreprises avec une société partie au litige faisant l’objet de l’expertise, en vue de l’attribution d’un marché. Eu égard à l’ancienneté des faits en cause à la date de la désignation de l’expert, et à la nature et à l’intensité des relations alléguées dès lors que l’expert n’était plus dirigeant de la société lors de la période d’exécution du marché, absence d’obstacle à ce qu’il accomplisse sa mission.

CE, 9 mai 2012, n° 355756, Commune de Saint-Maur-des-Fossés (Participation d’un conseiller municipal actionnaire d’une entreprise candidate à un marché. Non reconnaissance d’une situation de conflit d’intérêts.)

La seule circonstance qu’un membre du conseil municipal soit actionnaire d’une des entreprises cadidates à un marché de la commune et ait un lien de parenté avec son dirigeant ne justifie pas d’écarter par principe l’offre de cette société, alors qu’il s’agit d’un marché de travaux habituels dont l’utilité n’est pas contestée et qu’il n’est pas allégué que le conseiller municipal, qui n’a participé qu’à la délibération autorisant la procédure de passation du marché, aurait exercé une influence particulière sur le vote.