Chantier masqué et simulation DQE – CE, n° 401660, 16/11/16,

Chantier masqué (DQE)

Chantier masqué (DQE)

L’utilisation de chantiers masqués dans les marchés publics offre aux pouvoirs adjudicateurs une plus grande flexibilité dans l’évaluation des offres, mais elle soulève également des questions en termes de transparence et d’égalité de traitement des entreprises candidates.

Chantier masqué : méthode et utilisation dans les marchés publics

Un acheteur peut-il élaborer plusieurs commandes fictives et en tirant au sort, avant l’ouverture des plis, utiliser celle à partir de laquelle le critère du prix sera évalué ?

Les chantiers masqués, dans le contexte des marchés publics, constituent une approche particulière dans l’évaluation des offres financières.

Un chantier masqué se présente sous la forme d’un Détail Quantitatif Estimatif (DQE) qui n’est ni publié ni communiqué aux candidats.

Son objectif est d’évaluer le prix d’une commande fictive, permettant ainsi à l’acheteur public d’anticiper et de simuler les coûts potentiels associés à certaines prestations.

Il s’agit d’une méthode de notation des offres pour évaluer le critère du prix et non pas d’un critère de sélection.

Technique du chantier masqué : Notation et utilisation

Dans le domaine des marchés publics, la technique du « chantier masqué » est une méthode de notation des offres pour évaluer le critère du prix. Cette approche est employée dans les marchés de travaux, offrant une flexibilité appréciable.

Le « chantier masqué » est un Détail Quantitatif Estimatif (DQE), non publié et non communiqué aux candidats, auquel est appliqué le bordereau des prix unitaires (BPU) fourni par les candidats. Ces DQE comportent des articles et des prestations du bordereau des prix unitaires (BPU) affectés de quantités.

A partir du BPU complété par lui, chaque candidat voit ses chantiers masqués reconstitués par l’Administration.

Cadre juridique

Article R2112-6 du code de la commande publique (Prix unitaires).

Article R2151-15 du code de la commande publique (les offres peuvent être accompagnées de tout document permettant d’en apprécier la teneur).

Article R2152-7 du code de la commande publique (L’acheteur définit librement ces modalités, qui doivent permettre de choisir l’offre économiquement la plus avantageuse. La méthode du « devis masqué » entre dans le champ).

CE, 16 novembre 2016, n° 401660, Sté SNEF et Ville de Marseille.

Jurisprudence CE, 16 novembre 2016, n° 401660

La ville de Marseille a lancé une procédure formalisée d’appel d’offres ouvert pour l’attribution d’un marché de travaux ayant pour objet l’exploitation et le maintien de ses installations d’éclairage public.

Ce marché unique englobait divers types de travaux et prestations répartis selon quatre postes distincts, exploitation, entretien, études et maintien des installations d’éclairage.

Le juge du référé précontractuel du tribunal administratif a annulé l’ensemble de la procédure de passation de ce marché. La société SNEF et la ville de Marseille se pourvoient contre l’ordonnance du juge.

Le pouvoir adjudicateur ne manque pas à ses obligations de mise en concurrence en élaborant plusieurs commandes fictives et en tirant au sort, avant l’ouverture des plis, celle à partir de laquelle le critère du prix sera évalué, à la triple condition que les simulations correspondent toutes à l’objet du marché, que le choix du contenu de la simulation n’ait pas pour effet d’en privilégier un aspect particulier de telle sorte que le critère du prix s’en trouverait dénaturé et que le montant des offres proposées par chaque candidat soit reconstitué en recourant à la même simulation.

Société requérante soutenant qu’en procédant à des tirages au sort de chantiers masqués, la commune aurait recouru à une méthode de notation du critère du prix qui, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, serait par elle-même de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et serait, de ce fait, susceptible de conduire, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie.,,,

Toutefois, le choix et l’utilisation d’une commande par tirage au sort réalisé avant l’ouverture des plis parmi plusieurs commandes fictives figurant sous pli cacheté pour valoriser les offres des candidats selon le critère du prix ne sont pas, par eux-mêmes, de nature à empêcher que l’offre économiquement la plus avantageuse soit choisie conformément aux dispositions de l’article 53 du code des marchés publics.

« 5. Considérant que le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en oeuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics ; qu’en effectuant, pour évaluer le montant des offres qui lui sont présentées, une « simulation » consistant à multiplier les prix unitaires proposés par les candidats par le nombre d’interventions envisagées, un pouvoir adjudicateur n’a pas recours à un sous-critère, mais à une simple méthode de notation des offres destinée à les évaluer au regard du critère du prix ; qu’il n’est donc pas tenu d’informer les candidats, dans les documents de la consultation, qu’il aura recours à une telle méthode ; qu’il ne manque pas non plus à ses obligations de mise en concurrence en élaborant plusieurs commandes fictives et en tirant au sort, avant l’ouverture des plis, celle à partir de laquelle le critère du prix sera évalué, à la triple condition que les simulations correspondent toutes à l’objet du marché, que le choix du contenu de la simulation n’ait pas pour effet d’en privilégier un aspect particulier de telle sorte que le critère du prix s’en trouverait dénaturé et que le montant des offres proposées par chaque candidat soit reconstitué en recourant à la même simulation ; qu’en censurant le recours à une telle méthode de notation du critère du prix au seul motif que l’introduction du hasard dans la procédure de désignation du bénéficiaire du marché en litige, sous la forme de l’application des stipulations citées au point 4, avait nécessairement privé de leur portée les critères de sélection ou neutralisé leur pondération et induit, de ce fait, que la meilleure note ne soit pas nécessairement attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie, dès lors que le choix de l’attributaire ne résulte pas de l’analyse conduite par le pouvoir adjudicateur mais des résultats d’un tirage au sort aléatoire, le juge des référés a entaché son ordonnance d’erreur de droit »

« 8. Considérant que la société TEM soutient qu’en procédant à des tirages au sort de DQE « chantiers masqués », ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la commune a recouru à une méthode de notation du critère du prix qui, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, est par elle-même de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et est, de ce fait, susceptible de conduire, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie ; que, toutefois, ainsi qu’il a été dit au point 5, le choix et l’utilisation d’une commande par tirage au sort réalisé avant l’ouverture des plis parmi plusieurs commandes fictives figurant sous pli cacheté pour valoriser les offres des candidats selon le critère du prix ne sont pas, par eux-mêmes, de nature à empêcher que l’offre économiquement la plus avantageuse soit choisie conformément aux dispositions de l’article 53 du code des marchés publics ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu’en recourant à cette méthode de notation du critère du prix, la commune aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ne peut qu’être écarté »

Source : CE, 16 novembre 2016, n° 401660, Sté SNEF et Ville de Marseille.

DQE masqué : Une pratique encadrée par la jurisprudence

L’utilisation de la technique du chantier masqué doit respecter certaines règles jurisprudentielles. La notation des offres basées sur cette méthode doit correspondre rigoureusement à l’objet du marché, assurant ainsi une évaluation juste et transparente.

Le Conseil d’État a validé la pratique du tirage au sort du DQE masqué parmi plusieurs DQE élaborés par l’acheteur.

Le pouvoir adjudicateur peut élaborer plusieurs commandes fictives et en tirant au sort, avant l’ouverture des plis, celle à partir de laquelle le critère du prix sera évalué, sous conditions :

  1. les simulations correspondent toutes à l’objet du marché,
  2. le choix du contenu de la simulation ne doit pas privilégier un aspect particulier de telle sorte que le critère du prix s’en trouverait dénaturé
  3. le montant des offres des soumissionnaires doit être reconstitué en recourant à la même simulation.

Intérêt du DQE masqué : Stimuler la concurrence et optimiser l’analyse des offres

L’intérêt du DQE masqué réside dans sa capacité à stimuler la concurrence sur les prix des Bordereaux des Prix Unitaires (BPU).

En incitant les candidats à proposer des prix équilibrés sur divers postes de prestation, cette méthode contribue à une meilleure optimisation de l’analyse des offres.

Chantier masqué - DQE

Chantier masqué – DQE