Selon la Fiche DAJ « Les garanties financières » 2019, la retenue de garantie fait partie des garanties qui sont un élément du régime financier applicable aux marchés publics. Leur objet est d’assurer la bonne exécution du marché public par son titulaire, en renforçant les droits financiers de l’acheteur sur son cocontractant.
Ces garanties sont des garanties contractuelles, et non légales à l’instar de la garantie décennale1. Le marché public doit ainsi expressément prévoir ce type de garanties.
Les systèmes de garantie des marchés publics sont traités aux articles R. 2191-32 à R. 2191-35, R. 2191-36 à R. 2191-42, et R.2191-43 à R. 2191-44 du code de la commande publique pour les marchés classiques.
Ces garanties s’inspirent des mécanismes mis en place dans les marchés privés de travaux par la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 tendant à réglementer les retenues de garantie en matière de marchés de travaux définis par l’article 1779-3° du code civil.
Les systèmes de garanties prévus par ces dispositions réglementaires reposent sur la retenue de garantie, la garantie à première demande et la caution personnelle et solidaire.
Ces garanties ont pour objet d’assurer l’acheteur de la reprise de réserves émises lors de la réception de la prestation ou lors de sa période de garantie ou de prémunir celui-ci contre des risques de non-remboursement de l’avance versée. Autrement posé, elles sont destinées à assurer une bonne exécution financière du marché public.
Le code de la commande publique prévoit donc les conditions permettant ou imposant la constitution d’une de ces garanties. Certaines garanties peuvent être substituées à d’autres, le cas échéant sous réserve de l’accord de l’acheteur.
La mise en place d’une garantie n’est pas obligatoire et son opportunité doit être préalablement évaluée par l’acheteur.
Sous-section 1 : Retenue de garantie (Articles R2191-32 à R2191-35)
Objet de la retenue de garantie
Article R2191-32
Création Décret n°2018-1075 du 3 décembre 2018 – art.
La retenue de garantie a pour seul objet de couvrir les réserves formulées à la réception des prestations du marché et, le cas échéant, celles formulées pendant le délai de garantie lorsque les malfaçons n’étaient pas apparentes ou que leurs conséquences n’étaient pas identifiables au moment de la réception.
Fiche DAJ « Les garanties financières » 2019
L’institution d’une telle retenue de garantie est ainsi liée à l’existence d’un délai de garantie dans le contrat. Le délai de garantie est le délai, qui peut être prévu par le marché public, pendant lequel l’acheteur peut formuler des réserves sur des malfaçons qui n’étaient pas apparentes ou dont les conséquences n’étaient pas identifiables au moment de la réception (7).
Il est à noter que tous les cahiers des clauses administratives générales (CCAG) prévoient l’institution d’un délai garantie :
– Garantie de parfait achèvement d’une durée d’un an pour les travaux (article 44 du CCAG-travaux) ;
– Garantie de remise en état ou de remplacement des prestations défectueuses d’une durée minimale d’un an pour les marchés de fournitures courantes et de services (article 28 du CCAG-FCS) et pour les marchés de techniques de l’information et de la communication (article 30 du CCAG-TIC) ;
– Garantie de reprise des prestations défaillantes d’une durée minimale d’un an dans les marchés publics industriels (CCAG-MI) ;
– Garantie technique des prestations d’une durée minimale d’un an dans les marchés de prestations intellectuelles (article 28 CCAG-PI).
L’article R. 2191-34 du code dispose également que la retenue de garantie est « prélevée par fractions sur les acomptes, les règlements partiels définitifs et le solde ». Elle est donc une retenue, dans les comptes de l’acheteur, de sommes sur les paiements effectués auprès du titulaire. Elle doit être prévue par le contrat. À défaut, tout prélèvement indu d’une somme constituerait une faute de la part de l’acheteur (8).
La retenue de garantie n’est enfin qu’une faculté pour l’acheteur. Il s’agit ainsi d’un moyen dont dispose l’acheteur pour exiger de son titulaire qu’il satisfasse à l’ensemble de ses obligations et pour imputer sur cette retenue de garantie les sommes dont ce dernier pourrait être redevable.
La fonction de la retenue de garantie est donc de remédier aux malfaçons ayant fait l’objet de réserves. La retenue de garantie ne peut être utilisée à d’autres fins que celle de garantir la réparation des malfaçons qui seraient constatées lors de la réception ou pendant le délai de garantie (9). Elle ne peut en particulier permettre à l’administration de récupérer d’autres sommes dont elle estimerait son cocontractant débiteur (10), comme, par exemple, le remboursement de l’avance ou le paiement de pénalités de retard (11).
En revanche, la retenue de garantie pourra permettre de financer les travaux exécutés par un tiers, aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant, les travaux de reprise que celui-ci a refusé d’exécuter (12).
S’il décide de prévoir une retenue de garantie au sein de son marché public, l’acheteur ne peut la supprimer une fois le contrat signé, même par avenant. En effet, une telle modification affecterait les conditions de la mise en concurrence initiale, dès lors que l’exigence d’une retenue de garantie peut dissuader un opérateur économique de soumissionner et que les candidats répercutent généralement le coût induit par cette sûreté dans leur offre.
Si le contrat en application duquel la retenue de garantie est appliquée est déclaré nul, cette garantie se trouve alors privée de base légale et son montant doit être remboursé au cocontractant (13).
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3 Troisième alinéa de l’article R. 2391-23 du code de la commande publique.
4 Pour les marchés de défense ou de sécurité, il s’agit des mêmes dispositions (article R. 2391-21 du code, renvoyant à l’article R. 2191-32 du code).
5 Art. 1792-6 du Code civil, en matière de réception d’un ouvrage, étant précisé que la réception est l’acte par lequel l’acheteur déclare accepter la prestation.
6 CAA Lyon, 8 mars 2018, Société Routière du Centre, n° 17LY01827, point 9, espèce relative à un marché public de travaux dans laquelle il est rappelé que la retenue de garantie applicable à ce type de marchés publics a pour seul objet de garantir contractuellement l’exécution des travaux pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître de l’ouvrage. La retenue de garantie ne couvre ainsi que les malfaçons constatées dans l’exécution des travaux.
7 Article R.2191-32 du code de la commande publique.
8 CE, 17 octobre 1984, n° 33081.
9 CE, 2 juin 1989, Commune de Boissy-Saint-Léger, n° 65631 ; CAA Lyon, 18 février 2010, SA Planche, n° 07LY01299, espèce relative à la couverture des coûts de reprise de malfaçons effectuée par un tiers.
10 Rép. min. n° 69710, JOAN du 18 mars 2002, p. 1546.
11 CAA Nancy, 31 mai 2010, n° 08NC01369.
12 CAA Lyon, 18 février 2010, n° 07LY01299.
13 CAA Marseille, 13 juin 2005, n° 03MA01021.
Montant de la retenue de garantie
Article R2191-33
Modifié par Décret n°2018-1225 du 24 décembre 2018 – art. 12
Le montant de la retenue de garantie ne peut être supérieur à 5 % du montant initial du marché augmenté, le cas échéant, du montant des modifications en cours d’exécution.
Pour les marchés publics conclus par l’Etat et une petite et moyenne entreprise mentionnée à l’article R. 2151-13, ce taux est de 3 %.
Fiche DAJ « Les garanties financières » 2019
La détermination du montant de la retenue de garantie
La retenue de garantie consiste à bloquer dans les comptes du comptable assignataire de l’acheteur une partie des sommes dues au titulaire du marché public. Il s’agit donc d’une créance du cocontractant conservée par l’acheteur à titre de sûreté.
L’article R. 2191-33 du code de la commande publique prévoit que « Le montant de la retenue de garantie ne peut être supérieur à 5 % du montant initial du marché augmenté, le cas échéant, du montant des modifications en cours d’exécution ». Il est précisé que ce taux est de 3 % lorsque l’acheteur conclu un marché public avec une petite et moyenne entreprise.
Les taux de 5 % et de 3 % sont donc des plafonds, le contrat pouvant librement fixer un taux de retenue de garantie inférieur. En d’autres termes, s’il n’est pas possible d’augmenter l’assiette de la retenue de garantie, il est en revanche possible de la réduire.
Ces taux sont appliqués au montant initial du marché public et de ses éventuelles modifications.
Le montant initial s’entend comme le montant du marché public, tel que porté à l’acte d’engagement et réputé établi aux conditions économiques initiales du marché public, c’est-à-dire sans application des clauses éventuelles de variation des prix, toutes taxes comprises.
Les éventuelles modifications à prendre en compte sont les avenants. En revanche, ne sont pas prises en compte les sommes dues en raison d’une décision de poursuivre permettant de dépasser le montant fixé par le marché public. En effet, la décision de poursuivre constitue une demande unilatérale de l’acheteur, émise en cours d’exécution du contrat, qui ne répond pas aux éléments définis par la réglementation actuelle.
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8 CE, 17 octobre 1984, n° 33081.
9 CE, 2 juin 1989, Commune de Boissy-Saint-Léger, n° 65631 ; CAA Lyon, 18 février 2010, SA Planche, n° 07LY01299, espèce relative à la couverture des coûts de reprise de malfaçons effectuée par un tiers.
10 Rép. min. n° 69710, JOAN du 18 mars 2002, p. 1546.
11 CAA Nancy, 31 mai 2010, n° 08NC01369.
12 CAA Lyon, 18 février 2010, n° 07LY01299.
13 CAA Marseille, 13 juin 2005, n° 03MA01021.
Modalités de prélèvement de la retenue de garantie
Article R2191-34
Création Décret n°2018-1075 du 3 décembre 2018 – art.
La retenue de garantie est prélevée par fractions sur les acomptes, les règlements partiels définitifs et le solde.
Dans l’hypothèse où le montant des sommes dues au titulaire ne permettrait pas de procéder au prélèvement de la retenue de garantie, celui-ci est tenu de constituer une garantie à première demande selon les modalités prévues à la sous-section 2 de la présente section.
Le deuxième alinéa n’est pas applicable aux personnes publiques titulaires d’un marché.
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Fiche DAJ « Les garanties financières » 2019
La retenue de garantie est prélevée (14) par fractions sur chacun des versements effectués entre les mains du titulaire, à l’exception des avances. Elle peut donc être prélevée sur les acomptes, les règlements partiels définitifs, et sur le solde, dont elle vient en déduction, après application, en principe, des clauses de révision de prix et imputation de la TVA (prix de paiement). Le g) de l’article 13.2.1 du CCAG-travaux prévoit donc que l’état d’acompte mensuel doit mentionner notamment : « Le montant de la retenue de garantie s’il en est prévu une dans les documents particuliers du marché et qu’elle n’a pas été remplacée par une autre garantie ».
Le deuxième alinéa de l’article R. 2191-34 du code de la commande publique précise que si le montant des sommes dues au titulaire ne permet pas de procéder au prélèvement de la retenue de garantie, le titulaire du marché public est tenu de constituer une garantie à première demande en remplacement de la retenue de garantie. Il en est principalement ainsi lorsque le montant des prestations sous-traitées dépasse 95 % du montant initial du marché public (15).
Par ailleurs, l’existence d’une retenue de garantie n’interdit pas au maître d’ouvrage d’opérer des réfactions sur acomptes en cas de malfaçons affectant les travaux (16).
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14 Le pouvoir adjudicateur mandate ou ordonnance le montant comprenant la retenue de garantie et le comptable assignataire procède au prélèvement.
15 Rép. min. n° 22541, JO Sénat du 10 mai 2007, p. 967.
16 CE, 10 février 1978, Entreprise Jean-Charles Stribick, n° 02784.
Remboursement de la retenue de garantie
Article R2191-35
Création Décret n°2018-1075 du 3 décembre 2018 – art.
Lorsque le marché prévoit une retenue de garantie, celle-ci est remboursée dans un délai de trente jours à compter de la date d’expiration du délai de garantie.
Toutefois, si des réserves ont été notifiées au créancier pendant le délai de garantie et si elles n’ont pas été levées avant l’expiration de ce délai, la retenue de garantie est remboursée dans un délai de trente jours après la date de leur levée.
Conformément à l’article 16 du décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018, ces dispositions s’appliquent aux contrats conclus à compter du 16 mars 2013 pour les créances dont le délai de paiement a commencé à courir à compter de la date d’entrée en vigueur dudit décret.
Fiche DAJ « Les garanties financières » 2019
L’article R. 2191-35 du code de la commande publique prévoit que la retenue de garantie est remboursée dans un délai de trente jours à compter de la date d’expiration du délai de garantie. Toutefois, si des réserves ont été notifiées au créancier pendant le délai de garantie et si elles n’ont pas été levées avant l’expiration de ce délai, la retenue de garantie est remboursée dans un délai de trente jours après la date de leur levée. En cas de retard de remboursement, des intérêts moratoires sont versés selon les modalités définies par ce même décret.
Tant que les réserves ne sont pas levées, la retenue de garantie n’est pas restituée.
Lorsque les conditions prévues par les textes réglementaires sont réunies, la libération de la retenue de garantie procède de la décision du seul ordonnateur et non du comptable public. Il est donc indispensable que l’ordonnateur informe le comptable de sa décision de libérer la retenue de garantie.
Constituent des coûts susceptibles d’être prélevés sur la retenue de garantie :
– La réparation des malfaçons persistantes après la réception définitive des travaux (20) ;
– Les réparations exécutées d’office et aux frais du titulaire qui conteste les réserves émises lors de la Réception (21).
Sont en revanche insusceptibles de justifier des prélèvements opérés sur la retenue garantie:
– la circonstance que l’entrepreneur n’aurait pas contracté une assurance conforme à ses engagements (notamment une assurance garantissant sa responsabilité décennale) (22) ;
– le paiement de pénalités de retard (23) ;
– les frais de constat d’huissier et de publication dans un journal d’annonces légales (JAL) à la suite de l’abandon du chantier par le titulaire du marché public (24).
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20 CE, 27 mai 1983, Commune de la Queue-en-Brie, n° 23757.
21 CAA Lyon, 18 février 2010, n° 07LY01299.
22 CE, 2 juin 1989, Ville de Boissy-Saint-Léger, n° 65631.
23 CAA Nancy, 31 mai 2010, n° 08NC01369.
24 CAA Lyon, 8 mars 2018, n° 17LY01827.
Retenue de garantie et sous-traitance
La retenue de garantie ne s’applique pas au sous-traitant, mais seulement au titulaire du marché public.
En effet, l’article L. 2191-7 du code de la commande publique prévoit que la garantie est à la charge du seul titulaire du marché public et les dispositions relatives à la sous-traitance dans le code (17) ne renvoient pas à l’article L. 2191-7 .
Seul le titulaire du marché public est responsable, en application de l’article L. 2191-3 du code, de l’ensemble des prestations exécutées au titre du marché public, par lui-même et par ses sous-traitants. En conséquence, la retenue de garantie de l’article R. 2191-34 du code est prélevée uniquement sur les versements dus au titulaire du marché public.
Le contrat passé entre l’entreprise principale et son sous-traitant est un contrat de droit privé. Il peut prévoir une retenue de garantie dont le régime ne relèvera pas des dispositions prévues dans le code de la commande publique (18). Toutefois, dès lors que l’entrepreneur principal a indiqué dans l’acte spécial de sous-traitance l’application d’une retenue de garantie, l’acheteur doit respecter les conditions de paiement qu’il a ainsi agréées (19). En effet, le comptable public, qui n’est pas le juge de la légalité des pièces qui lui sont soumises, doit exécuter les dispositions prévues par l’acte de sous-traitance.
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17 Articles R.2193-10 et suivants du code de la commande publique.
18 En matière de marchés de travaux privés tels que définis par l’Art. 1779-3° du Code civil, les retenues de garantie sont règlementées par la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 tendant à réglementer les retenues de garantie en matière de marchés de travaux définis par l’article 1779-3° du Code civil.
19 Sur les conditions de mise en oeuvre, voir l’Instruction n° 12-12-M0 du 30 mai 2012, point 2.2.1.1, p. 12-14.