Définition et intérêt des variantes dans les marchés publics
Les variantes constituent des modifications, à l’initiative des candidats, de spécifications prévues dans la solution de base décrite dans les documents de la consultation » (CE, 5 janv. 2011, n° 343206, Sté Technologies Alpine Sécurité).
Les variantes présentent l’avantage d’apporter une certaine souplesse dans la réponse à fournir au besoin de l’acheteur. Elles permettent aux opérateurs économiques de faire preuve d’initiative au travers de propositions techniques, administratives et/ou financières différentes de la solution de base décrite par l’acheteur public.
L’intérêt pour ce dernier est de pouvoir anticiper lors de l’élaboration des documents de la consultation la stratégie à adopter pour encadrer la présentation des variantes et les adapter à l’objet de son marché.
1. Modalités de présentation des variantes
1.1 Autorisation des variantes
1.1.1 Selon la procédure
L’autorisation des variantes diffère selon la procédure de passation employée.
En procédure formalisée, lorsque le marché est passé par un pouvoir adjudicateur, les variantes sont interdites sauf mention contraire dans l’avis de marché ou l’invitation à confirmer l’intérêt (article R.2151-8 1° a) du CCP).
Lorsqu’il est passé par une entité adjudicatrice, les variantes sont autorisées sauf mention contraire (article R.2151-8 1° b) du CCP).
En procédure adaptée, les variantes sont autorisées par principe, sauf mention contraire de l’acheteur dans les documents de la consultation (article R.2151-8 2° du CCP).
1.1.2 Selon l’accord-cadre
Dans le cadre d’un accord-cadre, la présentation de variantes au stade des marchés subséquents dépend des modalités fixées initialement :
- Si l’accord-cadre a été passé en procédure adaptée sans interdiction des variantes, ces dernières sont admises pour les marchés subséquents sauf mention contraire de l’acheteur.
- Si l’accord-cadre a été passé en procédure formalisée, les variantes ne sont possibles pour les marchés subséquents que si l’acheteur l’a expressément prévu dans les documents de la consultation initiale.
1.1.3 Conditions de recevabilité
Pour être recevable, une variante proposée par un opérateur économique doit :
- Être autorisée par l’acheteur ;
- Respecter les exigences minimales fixées par ce dernier ;
- Ne pas modifier de manière disproportionnée l’objet du marché public tel que défini initialement.
Ainsi, une variante modifiant substantiellement le besoin de l’acheteur serait rejetée (CAA Nantes, 6 octobre 2017, n°16NT01474).
De même, une variante ne respectant pas les exigences minimales doit être écartée par l’acheteur (CE, 30 juin 2014, n°376504).
1.1.4 Cas particulier des marchés de fournitures et de services
Pour les marchés de fournitures ou de services, une variante ne peut être rejetée au seul motif qu’elle transformerait la nature du marché, par exemple en marché de services au lieu d’un marché de fournitures initialement prévu (article R2151-11 du CCP).
1.2 Modalités de présentation des variantes
L’acheteur doit définir dans les documents de la consultation les modalités de présentation des variantes qu’il autorise.
Bien que la réglementation n’impose pas de formalisme particulier, il est fortement recommandé dans un souci de bonne analyse des offres de demander aux opérateurs économiques de présenter variantes et offres de base dans des dossiers distincts.
L’acheteur peut ainsi exiger que chaque candidat présente dans un document annexe la ou les variantes proposées, en identifiant précisément les différences par rapport à la solution de base sur le plan technique, financier ou autre.
Exemple de clause dans le RC :
« Les candidats présenteront un dossier général « variantes » distinct de l’offre de base. Ce dossier comportera obligatoirement une présentation détaillée de la variante proposée ainsi qu’une comparaison précise avec la solution de base sur les plans technique et financier. »
Cette séparation clarifie l’analyse pour l’acheteur et limite les risques de régularisation et de contentieux ultérieurs.
1.3 Variantes et offre de base
La réglementation actuelle n’impose pas aux soumissionnaires de présenter une offre de base pour proposer une ou des variantes. Cependant, l’acheteur peut l’exiger dans les documents de la consultation.
Exemple de clause dans le RC :
« Les candidats doivent obligatoirement remettre une proposition entièrement conforme à la solution de base décrite dans le cahier des charges (offre de base) pour que leur ou leurs éventuelles variantes soient examinées. »
Si l’acheteur n’impose pas d’offre de base, les opérateurs économiques peuvent ne présenter que des variantes en réponse au marché public (CAA Paris, 14 avril 2014, n°12PA03797).
1.4 Variantes et négociation
La présence de variantes autorisées est possible dans le cadre d’une procédure avec négociation possible. La négociation permet d’échanger sur des adaptations des modalités d’exécution, financières ou autres, dans le respect des exigences minimales et sans modifier substantiellement l’objet du marché.
Toutefois, de nouvelles variantes ne peuvent pas être introduites pendant la négociation elle-même, que ce soit à l’initiative de l’acheteur ou des soumissionnaires (CAA Bordeaux, 19 juin 2017, n°15BX02593).
1.5 Variantes et mise au point
La mise au point après attribution d’un marché public ne peut pas avoir pour effet de modifier substantiellement le contenu de l’offre, ce qui exclut l’intégration d’une nouvelle variante à ce stade.
Des précisions sur une variante déjà proposée lors de la remise de l’offre sont en revanche possibles.
2. Adaptation des variantes à l’objet du marché
2.1 Exigences minimales
Lorsqu’il autorise des variantes dans les documents de la consultation, l’acheteur est tenu de fixer des « exigences minimales » auxquelles ces dernières devront se conformer (article R2151-10 du CCP).
Ces exigences permettent de délimiter le périmètre des modifications envisageables par rapport à la solution de base décrite dans le cahier des charges.
Le non-respect par une variante des exigences minimales formulées par l’acheteur dans les documents de la consultation entraîne son rejet, à moins qu’une régularisation soit possible (CE, 30 juin 2014, précité).
L’acheteur veillera à définir ces exigences de manière précise et objective, sans se contenter de mentionner par exemple le respect de la réglementation en vigueur (CJCE, 16 octobre 2003, aff. C-421/01).
Elles ne peuvent pas se borner à renvoyer à la législation en vigueur : « Considérant en premier lieu qu’en ne fixant d’autres limites aux variantes que l’obligation de respecter les dispositions d’urbanisme en vigueur et de recourir aux services du cabinet d’architectes auteur du projet architectural de base, la COMMUNE D’ARCACHON a élaboré un règlement de consultation qui ne permettait pas de respecter le principe d’égalité entre les candidats … » (CAA Bordeaux, 18 décembre 2003, n° 99BX02554, Commune d’Arcachon).
De même un règlement de consultation qui dispose que « Les solutions variantes proposées devront indiquer clairement leur objet et leur intérêt technique et économique » n’apporte aucune précision sur la nature ou l’étendue des variantes que le pouvoir adjudicataire se propose d’admettre, ni de précisions permettant de déterminer les caractéristiques minimales de l’offre de base (CAA Lyon, 11 octobre 2012, n° 11LY01982, SAS Faurie).
Cas d’une offre ne respectant pas les exigences minimales : Société ayant présenté une variante allant à l’encontre de l’objet même du marché tel qu’il a été défini par l’acheteur dans les conditions essentielles d’exécution prévues par le CCTP qui ne peut en conséquence constituer une variante recevable au regard des exigences du dossier de consultation. En retenant l’offre de la société, l’acheteur public a ainsi méconnu les exigences de l’article 50 du code des marchés publics. Ce vice affecte la régularité de la procédure à compter de l’examen des offres (CE, 30 juin 2014, n° 376504, Eiffage construction Pays de la Loire).
2.2 Conditions particulières de présentation
Outre les exigences minimales de fond, l’acheteur doit détailler dans les documents de la consultation les conditions particulières de présentation des variantes qu’il autorise : dossier technique à fournir, identification précise des différences avec l’offre de base, nombre maximum de variantes par soumissionnaire, etc.
Ces précisions visent à permettre une analyse facilitée des variantes et à prémunir l’acheteur contre les risques d’irrégularités.
2.3 Critères d’analyse des offres
Les critères d’attribution indiqués dans les documents de la consultation pour choisir l’offre économiquement la plus avantageuse doivent pouvoir s’appliquer tant aux variantes qu’aux offres de base (article R2152-7 du CCP).
L’acheteur veillera ainsi à définir des critères suffisamment larges, par exemple la « valeur technique » déclinée en sous-critères, pour pouvoir analyser différentes solutions.
2.4 Conséquences d’une variante non conforme
Le dépôt par un soumissionnaire d’une variante non prévue dans les documents de la consultation entraîne le rejet de son offre, sauf si l’acheteur a expressément restreint cette sanction à la seule variante irrégulière (CE, 7 novembre 2011, n°218221).
De même, une variante ne respectant pas les exigences minimales doit être écartée par l’acheteur.
En cas d’imprécision des modalités de présentation ou d’analyse des variantes dans les documents de la consultation, l’acheteur s’expose à un risque de rejet de la procédure au contentieux.
3. Distinction entre variantes, PSE et options
Afin de maîtriser l’utilisation des variantes, il importe pour l’acheteur de bien distinguer cette notion de celles connexes de prestations supplémentaires éventuelles (PSE) et d’options.
3.1 Les variantes
Les variantes sont des modifications de l’initiative des opérateurs économiques par rapport aux spécifications de la solution de base décrite dans le cahier des charges.
Elles se substituent à des éléments de cette solution de base initiale.
Exemple : variante proposant l’utilisation de matériaux différents de ceux prévus dans le CCTP.
3.2 Les prestations supplémentaires éventuelles (PSE)
Les PSE correspondent à des prestations complémentaires qui s’ajoutent à la solution de base, à l’initiative de l’acheteur cette fois.
Exemple : prestation de maintenance supplémentaire pour une durée déterminée.
Leur choix lors de l’attribution ne résulte pas de l’application des critères de jugement des offres.
3.3 Les options
En droit communautaire, les options sont des prestations complémentaires qui, sans remise en concurrence, peuvent s’ajouter à celles fermement commandées initialement dans le marché public (directives 2014/24/UE et 2014/25/UE).
Exemples : tranches optionnelles, reconductions, clauses de réexamen.
Contrairement aux PSE, les options sont prévues dès la passation et peuvent être activées pendant l’exécution.
4. Recommandations pour l’utilisation des variantes
Sur la base des points développés précédemment, voici quelques recommandations pour permettre à l’acheteur de tirer le meilleur parti des variantes lorsqu’il décide d’y recourir :
- Délimiter le périmètre envisageable pour les variantes au moyen d’exigences minimales précises, en lien avec l’objet du marché.
- Définir clairement les modalités de présentation attendues des opérateurs économiques dans un souci de bonne analyse.
- Choisir des critères d’attribution suffisamment larges pour englober les solutions de base et variantes.
- Anticiper l’impact de la sélection d’une variante sur les autres lots éventuels.
- En procédure formalisée, prévoir expressément les variantes pour les marchés subséquents d’un accord-cadre.
- Distinguer clairement les variantes des PSE et options dans les documents de la consultation.
- En cas de négociation, proscrire l’introduction de nouvelles variantes non prévues initialement.
Voir également :
Guide de l’achat public « Oser les variantes dans les marchés publics », Direction des achats de l’État, décembre 2020.